
Confidentialité des comptes annuels : entre transparence et discrétion
2024年4月10日
La question de la confidentialité des comptes annuels représente un enjeu majeur pour les entreprises, oscillant entre le besoin légitime de transparence et la protection des informations stratégiques. Cet article examine les dispositions légales encadrant la publication des comptes annuels et les options de confidentialité offertes à certaines catégories d'entreprises.
La publicité des comptes annuels : une obligation légale
La publicité des comptes annuels, initialement instaurée pour une transparence accrue des entreprises envers leurs partenaires commerciaux, est parfois perçue comme excessivement intrusive. Les articles L.232-21 et suivants du Code de commerce imposent aux sociétés commerciales de publier leurs comptes dans le mois suivant leur approbation par l'assemblée générale, ou dans les deux mois en cas de dépôt électronique. Ce dépôt donne lieu à une publication au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales).
Le non-respect de cette obligation constitue :
Une obligation civile : la responsabilité du dirigeant peut être engagée par tout intéressé.
Une infraction pénale : contravention de 5e classe, passible d'une amende de 1 500 € (3 000 € en cas de récidive).
L'Option de Confidentialité : Conditions et Formalités
Afin de concilier la transparence économique et le besoin de confidentialité de certaines entreprises, la loi a introduit une option permettant de rendre confidentiels les comptes sociaux sous certaines conditions. Les micro-entreprises et les petites entreprises peuvent ainsi demander que leurs comptes ne soient pas rendus publics. Cette option, laissée à la discrétion du dirigeant, doit être formulée lors du dépôt des comptes via une déclaration écrite et signée.
Cette déclaration ne peut être régularisée a posteriori.
Quelles entreprises peuvent en bénéficier ?
Le niveau de confidentialité varie en fonction de la taille de l'entreprise.
Micro-entreprises : confidentialité totale des comptes
Définies à l’article L.123-16-1 du Code de commerce, elles ne doivent pas dépasser deux des trois seuils suivants:
Total de bilan : 450 000 €
Chiffre d’affaires net : 900 000 €
Effectif moyen : 10 salariés
Elles peuvent rendre confidentiels l’intégralité de leurs comptes (bilan et compte de résultat).
Petites entreprises : la confidentialité du seul compte de résultat
Ne dépassant pas deux des trois seuils suivants:
Total de bilan : 7 500 000 €
Chiffre d’affaires : 15 000 000 €
Effectif moyen : 50 salariés
Seul le compte de résultat peut être déclaré confidentiel.
Attention, ne pas confondre la "micro-entreprise" (statut fiscal et social) avec la micro-entreprise au sens comptable.
Il est important de noter que ces seuils sont analysés à chaque clôture d'exercice.
Moyennes Entreprises: présentation simplifiée du bilan
Les moyennes entreprises peuvent, depuis le 23 mai 2019, publier une version simplifiée de leur bilan et de leur annexe. Une moyenne entreprise est définie par le dépassement de deux des trois seuils suivants:
Total de bilan : 25.000.000 euros
Chiffre d'affaires : 50.000.000 euros
Nombre moyen de salariés : 250
Entités Exclues de la Confidentialité
Certaines entités, bien que répondant aux seuils de micro ou petite entreprise, sont expressément exclues du dispositif de confidentialité:
Établissements de crédit et sociétés de financement.
Entreprises d’assurance et de réassurance.
Organismes de sécurité sociale et institutions de prévoyance.
Sociétés cotées ou faisant appel public à la générosité.
Sociétés dont l’objet principal est la gestion de titres (micro et moyennes entreprises).
Sociétés appartenant à un groupe au sens de l’article L.233-16 du Code de commerce (petites et moyennes entreprises).
Cas des sociétés holdings et des filiales
Toutes les sociétés holdings ne sont pas exclues de la confidentialité des comptes annuels. Pour les holdings répondant à la définition des micro entreprise, une holding passive, dont l'activité se limite à la détention de participations sans gestion active, peut bénéficier de la confidentialité. L'avis du CCRCS (2019-011 du 19 décembre 2019) précise que la simple détention de titres n'est pas considérée comme une activité de gestion en soi. Il est nécessaire d'analyser chaque cas pour déterminer si la holding a un rôle de gestion active. Dans ce cas, la confidentialité n'est pas possible.
En revanche, les holdings qui répondent à la définition des petites et moyennes entreprises et appartenant à un groupe au sens de l'article L.233-16 du Code de commerce (exerçant un contrôle sur une filiale) sont exclues de la confidentialité, tout comme les filiales appartenant à ce même groupe. Une analyse au cas par cas est donc recommandée pour les sociétés participant à un groupe (C. com. art. L 232-25, al. 2 et 3).
L'Ansa précise que cette exclusion concerne toutes les sociétés appartenant au groupe, qu'elles soient contrôlantes ou contrôlées ; aucune dérogation n'est prévue pour les filiales.
Confidentialité relative : un accès toujours possible pour certains tiers
La confidentialité n’interdit pas toute divulgation. Elle est inopposable à certains acteurs tels que:
La Banque de France, les autorités judiciaires ou administratives.
Les établissements financiers, investisseurs ou agences de notation.
Les dirigeants, associés, experts-comptables, notaires, avocats et tiers contractuellement autorisés.
Intérêts et Limites de la Confidentialité
Bien que la confidentialité puisse sembler avantageuse, il est crucial d'en analyser les effets. Par exemple, dans certains secteurs comme l'architecture ou le bâtiment, la non-publication des comptes peut être un frein à l'obtention de marchés publics ou de crédits fournisseurs. De plus, lors d'une cession d'entreprise, la confidentialité des comptes déposés n'a souvent que peu d'intérêt, les informations financières étant de toute manière communiquées aux potentiels acquéreurs sous accord de confidentialité. Il est important de noter que la confidentialité des comptes auprès du public ne signifie pas que ces informations ne sont pas accessibles à d'autres entités.
Conclusion
La possibilité de déclarer la confidentialité des comptes annuels représente un outil de gestion pour les dirigeants, leur permettant de moduler la diffusion d'informations financières et économiques aux tiers, dans le respect des limites légales. La décision d'opter pour la confidentialité doit être prise en considération des spécificités de chaque entreprise et de ses objectifs de transparence.
Références juridiques principales :
Code de commerce : Articles L.232-21 à L.232-23, L.123-16-1, L.123-16-2, L.233-16
Loi n° 2014-1 du 30 janvier 2014
Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (Loi Macron)
Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (Loi PACTE)
Avis CCRCS n° 2019-011 du 19 décembre 2019
Liens:
La déclaration de confidentialité pour les petites entreprises (modèle à télécharger ici) et, le cas échéant, la déclaration de confidentialité des entreprises ayant un commissaire aux comptes (modèle à télécharger ici).
Modèle de déclaration de confidentialité pour les moyennes entreprise.
Modèle de déclaration de confidentialité pour les micro entreprise.