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Les étapes clés de la cession d’un fonds de commerce en France

9 octobre 2024

Rédigé par : Marc Huynh

La cession d’un fonds de commerce est une opération complexe nécessitant une approche méthodique et le respect strict des obligations légales. Cette synthèse présente les différentes étapes du processus avec leurs implications pratiques.

1. Préparation de la cession

1.1 Identification et évaluation des éléments du fonds

Le fonds de commerce comprend deux catégories d’éléments :

  • Éléments incorporels (transmis sauf exclusion expresse) :

    • Clientèle (élément fondamental sans lequel le fonds n’existe pas) ;

    • Droit au bail (avec mention obligatoire dans l’acte) ;

    • Enseigne, nom commercial ;

    • Licences et autorisations administratives non personnelles ;

    • Contrats de travail (transmission automatique sous conditions) ;

    • Propriété intellectuelle (marques, brevets) ; et

    • Bases de données : les fichiers clients et autres informations commerciales valorisables.

  • Éléments corporels (nécessitent une description précise) :

    • le mobilier : meubles, comptoirs, étagères, tables, chaises ;

    • le matériel: biens qui facilitent le bon fonctionnement du commerce, tels que les ordinateurs ou les caisses enregistreuses ; et

    • l’outillage: outils, machines, appareils et installations.


Note : Ne font pas partie intégrante du fonds de commerce et doivent faire l'objet d'une cession distincte lorsqu'ils sont inclus dans la transaction :

  • le stock ;

  • l'immeuble abritant l'activité reste soumis au régime du bail commercial ;

  • les créances et dettes du vendeur ;

  • les documents comptables ; et

  • les droits spécifiques comme le droit de terrasse pour les débits de boissons.


1.2 Méthodes d’évaluation du prix de cession

Avant toute cession, les parties doivent s'accorder sur le prix du fonds de commerce. Plusieurs méthodes d'évaluation peuvent être utilisées, notamment :

1.2.1 La méthode des barèmes

Souvent privilégiée par l’Administration fiscale, cette approche applique un coefficient multiplicateur (variable selon le secteur d’activité) au chiffre d’affaires hors taxes du fonds.


1.2.2 La valorisation par la rentabilité

Fréquemment utilisée par les banques, cette méthode évalue la capacité de remboursement de l’entreprise en se basant sur sa performance financière, notamment l’excédent brut d’exploitation (EBE).


1.2.3 La méthode par comparaison

Elle consiste à estimer la valeur du fonds en le comparant à des affaires similaires récemment vendues dans la même zone géographique.


1.2.4 La correction par actif net

Cette approche valorise l’entreprise sur la base de son patrimoine réel (licences, équipements, stocks, créances, etc.), déduction faite de ses dettes.

Pour une évaluation plus fiable, il est recommandé de croiser plusieurs méthodes afin d’en analyser les résultats et d’en dégager une moyenne cohérente.


2. Obligations préalables

2.1 Purge des droits de préemption

Les parties doivent conditionner la cession à la purge préalable des droits de préemption susceptibles de s’appliquer, tels que :

  • Le droit de préemption communal (articles L. 214-1 et suivants du Code de l’urbanisme) ;

  • Un éventuel pacte de préférence en faveur du bailleur, si prévu dans le bail.

Pour ce faire, elles devront interroger les bénéficiaires de ces droits afin de confirmer leur renonciation. À défaut, la cession pourrait être annulée pour non-respect de ces dispositions légales.

2.2 Information des salariés

  • Si l’entreprise compte des salariés, le cédant doit les informer du projet de cession conformément aux articles L. 141-23 et suivants du Code de commerce. Cette obligation s’impose aux entreprises de moins de 250 salariés.

  • Champ d’application : Entreprises <250 salariés


2.2.1 Entreprises de moins de 50 salariés (sans CSE)

  • Délai : L’employeur doit informer les salariés au moins 2 mois avant la vente.

  • Forme : Notification par tout moyen probant (affichage, courrier, e-mail, réunion).

  • Sanction : Une amende de 2 % du montant de la vente est encourue en cas de manquement (C. com., art. L. 141-23).

2.2.2 Entreprises de 50 à 249 salariés (avec CSE)

  • Information anticipée : L’employeur doit informer les salariés via une consultation du CSE, sans délai imposé.

  • Obligation de discrétion : Les salariés doivent respecter la confidentialité.

  • Sanction : La même amende de 2 % s’applique en cas de défaut d’information (C. com., art. L. 141-28).


3. Phase contractuelle

3.1 Avant-contrats

La cession d'un fonds de commerce est généralement précédée de la signature d'une promesse, étape préparatoire essentielle qui fixe les termes principaux de la transaction. 


3.1.1   Promesse unilatérale :

  • Formalisme : Enregistrement sous 10 jours (droit fixe 75 € + 3 €/page)

  • Clauses essentielles :

    • Délai d’option précis (date/heure de levée)

    • Indemnité d’immobilisation (5-10 % du prix)

    • Clause de dédit du vendeur (2-5 % du prix)


3.1.2 Promesse synallagmatique :

  • Mentions obligatoires :

    • Prix et répartition

    • Conditions suspensives (financement bancaire, préemption)

    • Garanties (dettes, passif caché)


3.2 Contrat de cession ou d’acquisition du fonds de commerce

Au moment de la cession, le vendeur doit fournir à l'acquéreur plusieurs documents essentiels. Ces derniers comprennent notamment les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant la vente. Par ailleurs, le vendeur a l'obligation de conserver et de mettre à disposition de l'acquéreur, pendant une durée de trois ans, l'ensemble des livres de comptabilité relatifs aux trois exercices précédant celui de la cession.

Depuis la loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019, les formalités ont été sensiblement allégées. Les mentions autrefois obligatoires sous peine de nullité, telles que l'identité du précédent vendeur ou les caractéristiques du bail commercial, ne sont plus exigées. Cette évolution législative offre une plus grande flexibilité dans la rédaction des actes de cession.

Toutefois, il reste fortement conseillé à l'acquéreur d'exiger leur intégration dans l'acte de cession. Cette précaution permet de sécuriser la transaction et de limiter les risques contentieux ultérieurs.


Parmi les informations particulièrement utiles à mentionner, on retrouve notamment :

  • Les données financières historiques (chiffre d'affaires et résultats des trois derniers exercices) ; et

  • Les caractéristiques essentielles du bail commercial.

Cette transparence contractuelle offre une meilleure visibilité sur la situation réelle du fonds et permet d'établir une relation de confiance entre les parties.

 

4. Formalités post-contractuelles

4.1 Publicité légale

  • Annonce légale :

    • Délai : 15 jours après signature

    • Mentions : Prix, répartition, identification parties

    • Support : Journal habilité dans le département

  • BODACC :

    • Dépôt au greffe sous 3 jours

    • Effet : Déclenche le délai d’opposition des créanciers (10 jours après la publication au Bodacc)


4.2 Enregistrement fiscal

  • Délais :

    • Acte authentique : 1 mois

    • Acte sous seing privé : 15 jours

  • Calcul des droits :

    • Tranche 1 : 0 % (<23 k€)

    • Tranche 2 : 3 % (23-200k€)

    • Tranche 3 : 5 % (>200 k€)

  • Exonérations : Marchandises neuves (art. 723 du Code général des impôts)


4.3 Période de solidarité fiscale et nécessité de séquestrer le prix

4.3.1 Le principe de solidarité fiscale 

Conformément à l'article 1684-1 du CGI, l'acquéreur d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec le vendeur pour :

  • L'impôt sur le revenu (ou sur les sociétés) relatif aux bénéfices de l'année de cession et de l'exercice précédent; et

  • La taxe d'apprentissage correspondante.


4.3.2 Durée de la solidarité

La période de responsabilité conjointe est normalement de 90 jours, mais peut être ramenée à 30 jours si trois conditions cumulatives sont remplies :

  1. Transmission de l'avis de cession à l'administration fiscale dans les 45 jours suivant la publication légale ;

  2. Dépôt de la déclaration de résultats dans les 60 jours post-publication; et

  3. Régularité parfaite du vendeur au regard de ses obligations fiscales (déclarations et paiements) à la date précédant la vente.


4.3.3. Le séquestre : une protection indispensable

Pour couvrir ce risque fiscal, la mise sous séquestre du prix de vente s'impose :

  • Modalités : Confié à un professionnel (notaire/avocat) qui engage sa responsabilité

  • Durée : Doit couvrir l'intégralité de la période de solidarité (90 ou 30 jours)

  • Encadrement contractuel : Les termes exacts du séquestre (durée, modalités de déblocage, frais) doivent être rigoureusement définis dans l'acte de cession.


Conclusion


Une cession de fonds de commerce bien préparée minimise les risques contentieux et assure une transition optimale.


L’accompagnement par un professionnel du droit est vivement recommandé pour respecter les obligations légales et sécuriser les intérêts des parties.

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