
Prise en compte des abstentions lors des décisions collectives dans les SAS
21 octobre 2020
L'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) a émis un avis concernant la prise en compte des abstentions lors des décisions collectives des associés de sociétés par actions simplifiées (SAS) lorsque les statuts ne contiennent aucune précision à ce sujet. Cette question revêt une importance particulière, car toute décision collective prise en violation des règles statutaires peut être annulée à la demande de tout intéressé, conformément à l'article L. 227-9, alinéa 5 du Code de commerce.
Évolution législative dans les sociétés anonymes (SA)
La loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019 a modifié le mode de calcul de la majorité requise dans les assemblées générales d'actionnaires de sociétés anonymes. Désormais, la majorité est calculée en fonction des voix exprimées et non plus des voix des actionnaires présents ou représentés. Les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux actions pour lesquelles l'actionnaire s'est abstenu (articles L. 225-96, alinéa 3 et L. 225-98, alinéa 3 du Code de commerce, tels que modifiés). Ainsi, l'abstention n'est plus assimilée à un vote défavorable.
Spécificité des SAS et silence des statuts
Contrairement aux SA, ces dispositions ne s'appliquent pas aux SAS. L'article L. 227-1, alinéa 3 et l'article L. 227-9 du Code de commerce prévoient que ce sont les statuts qui déterminent les formes et conditions dans lesquelles les décisions collectives des associés sont prises.
La question se pose donc de savoir comment traiter les abstentions lorsque les statuts d'une SAS prévoient un vote en assemblée sans être explicites sur ce point.
Position de l'ANSA
Le comité juridique de l'ANSA distingue trois cas de figure selon la formulation des statuts:
Majorité des voix : Lorsque les statuts prévoient l'adoption des décisions à la « majorité des voix », cette majorité doit être calculée en tenant compte de toutes les voix existantes au sein de la SAS, y compris celles des associés qui se sont abstenus. Dans ce cas, l'abstention équivaut à un vote défavorable.
Majorité des voix exprimées : Si les statuts exigent la « majorité des voix exprimées », les actions des associés présents ou représentés qui se sont abstenus sont prises en compte pour le calcul du quorum, si un quorum est prévu. Cependant, ces abstentions ne sont pas incluses dans le calcul de la majorité, car elles ne constituent pas des voix exprimées. Cette solution est similaire au régime applicable aux SA avant la loi de 1981 et à celui rétabli par la loi de 2019.
Majorité des voix des associés présents ou représentés : Dans ce cas, les actions des associés présents ou représentés qui se sont abstenus sont prises en compte pour le calcul du quorum (si prévu) et assimilées à un vote contre pour le calcul de la majorité. Cette approche est identique à celle qui prévalait dans les SA suite à la loi de 1981.
L'ANSA recommande vivement aux associés de SAS de préciser explicitement dans les statuts le mode de prise en compte des abstentions lors de leurs décisions collectives, qu'elles soient prises en assemblée ou par consultation écrite.
Abstention et vote favorable : une impossibilité
L'ANSA a déjà précisé dans un avis antérieur (n° 09-069 du 9 décembre 2009) qu'il n'est pas possible de prévoir statutairement que l'abstention d'un associé équivaut à un vote favorable à la résolution proposée. En matière de fonctionnement d'une société, le silence ne saurait valoir acceptation. La majorité du comité juridique de l'ANSA a réaffirmé cette position, considérant qu'un accord tacite, sans manifestation de volonté, ne peut être admis dans le cadre du fonctionnement d'une société.
Exception pour les SAS ayant recours au financement participatif
Par exception, les SAS qui recourent au financement participatif sont soumises aux règles de quorum et de majorité applicables aux assemblées générales des sociétés anonymes, conformément à l'article L. 227-1-2 du Code de commerce.
Conclusion
En l'absence de clarté dans les statuts d'une SAS concernant la prise en compte des abstentions, il convient de se référer aux principes dégagés par l'ANSA.
La prudence et le bon sens juridique inclinent à considérer l'abstention comme un vote défavorable dans le cas d'une majorité des voix, tandis que dans le cas d'une majorité des voix exprimées, l'abstention est prise en compte pour le quorum mais exclue du calcul de la majorité.
Afin de sécuriser les décisions collectives et d'éviter tout risque de contentieux, une rédaction statutaire précise sur le traitement des abstentions est fortement recommandée.
Références :
Avis du Comité juridique de l'ANSA du 9 septembre 2020, n° 20-034